Le  quatrième colloque sur l’identité numérique organisé par le Forum ATENA et le MEDEF a réuni plus de deux cents représentants des administrations et des entreprises autour du sujet florissant de l’identité numérique. Accueillis par Guy de Felcourt, Président de l’Atelier Identité Numérique de Forum ATENA et Maxence Demerlé, Déléguée Générale Adjointe de la SFIB, les participants ont tout de suite été confrontés aux thématiques retenues cette année : « Lors de la 1ère édition en 2011 nous avions voulu montrer comment lidentité numérique était au cœur des écosystèmes numérique en émergence. En 2012 nous avons insisté sur la valeur économique créée par lidentité numérique, puis en 2013 sur la croissance et les services pour les entreprises. Cette année nous avons choisi de nous intéresser à le-gouvernement, aux services et à linternational. » a déclaré Guy de Felcourt.

Philippe Recouppé, Président de Forum ATENA a ensuite introduit le colloque en rappelant l’importance du partenariat avec le MEDEF qui accueille encore l’événement pour sa quatrième édition : « Lidentité va avoir une existence. Nous allons nous, humains avoir une existence dans un réseau qui n’était jusqu’à présent quun réseau de machines. Le monde du numérique est en train de se construire. Pour cela, plus que jamais, les problématiques de confiance dans l’économie numérique doivent être remises au centre du débat. »

Philippe Lemoine, rapporteur pour le gouvernement de la mission transformation numérique, président-fondateur du Forum d’Action Modernités et président de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING), est ensuite intervenu sur le thème de la transformation numérique de l’économie et de l’administration française. Fort de son rapport récemment dévoilé et disponible sur https://stample.co/transnum, il a fait partager sa vision. « J’’ai eu quatre partis pris pour aborder ce rapport : dabord consulter un maximum de monde, ensuite – je cite volontiers la devise « Done is better than perfect » – ensuite faire des propositions concrètes (il y en a 180 !) plutôt que des analyses abstraites pour une transformation numérique rapide, transversale et durable. Troisièmement il fallait un cadre danalyse structuré, car la transformation numérique institue une nouvelle grammaire de la compétition entre les entreprises et les nations. Quatrièmement, lobjectif de ce rapport était de contribuer à créer un espace nécessaire de rebond en France. » Philippe Lemoine

Philippe Lemoine a ensuite développé les contributions importantes de l’identité numérique à la transformation et à la modernisation. Il a par exemple illustré « les développements récents » sur la logique des blockchains, (type bitcoin), permettant d’associer anonymat et traçabilité.

Seconde keynote, Eric A. Caprioli, Avocat à la Cour de Paris, Docteur en droit, Vice-président de la FNTC, membre de la délégation française aux Nations Unies est intervenu sur le règlement européen sur les identités et services de confiance (eIDAS). Il a notamment rappelé que « En Europe jusqu’à aujourdhui, nous avions fait de lharmonisation par le biais de directives. Cest à dire que lon donnait un texte avec le plus petit dénominateur commun aux pays membres et chacun lappliquait à sa façon sur son territoire. Le nouveau règlement européen sur les identités et services de confiance a une vertu fondatrice. Il vient donner un cadre commun, après 15 années de tentatives de développement de la signature électronique, de projets de systèmes didentifications, de cartes didentités électroniques… »  avant de se livrer à une explication des grandes mesures prévues par le texte, dont il a rappelé que  le cadre est déjà en vigueur, même si les principales mesures sont à l’horizon du 1er Juillet 2016.

Philippe Clément, responsable des Identités Numérique du Groupe Orange, partenaire du colloque a ensuite fait une présentation des avancées de l’opérateur dans ce domaine : de nombreux services et innovations dans les pays ou Orange est présent avec le souci constant du contrôle des données par l’utilisateur et du respect de la vie privé, pour lequel l’opérateur a pris publiquement des engagements.

Après une courte pause, les participants ont pu apprécier l’intervention – en anglais – de David Rennie, directeur des partenariats pour l’ «Identity Assurance Programme», et Samuel Rea du Government Digital Services, Royaume Uni.

Parmi les grands pays européens, le Royaume-Uni fait figure de pionnier. A partir d’une conception pragmatique et ouverte de l’identité, affinée au cours des dernières années, un écosystème est né qui veut aller bien au-delà des seuls besoins de l’administration. Il est construit sur une architecture faisant appel aux opérateurs privés et qui se veut porteuse de valeur autant pour les services des entreprises que pour les usages des particuliers.

Un autre aspect est l’ouverture sur l’interopérabilité européenne et au-delà. Monsieur David Rennie a invité les entreprises françaises à penser à utiliser la plateforme d’identité numérique pour commercialiser leurs services sur le marché intérieur européen. Pour que le système fonctionne, chacun doit y trouver son compte et les entreprises doivent pouvoir y trouver un bénéfice commercial dans la possibilité de distribuer leurs services.

« Nous n’avons pour l’instant que cinq fournisseurs d’identité, mais nous sommes en train de prévoir une deuxième phase d’élargissement et il y en aura peut être une troisième. Nous parlons notamment avec les banques et les opérateurs de téléphone » a-t-il précisé, et d’indiquer qu’ils commencent aussi à aborder la question de l’interopérabilité avec d’autres pays européens.

La matinée s’est conclue par une table ronde consacrée à un panorama international de la transition numérique  et des besoins de l’e-gouvernement.

Philippe Gautier, directeur du Medef International, a expliqué les besoins liés à la gestion numérique des infrastructures comme les ports, les aéroports, les villes.  Jean Jacques Leandri, conseiller sur le e-gouvernement au SGMAP, a dressé un panorama des programmes européens prévus dans le cadre de l’agenda 2020, pour fournir des solutions numériques partagées. Il a indiqué que ces solutions ont pour objectif de faciliter la gestion administrative de PME,  il a aussi souligné que les programmes d’accompagnement peuvent constituer des opportunités pour les entreprises qui souhaitent soumissionner. Jean-Claude Perrin, secrétaire général de la « Secure Identity Alliance » qui rassemble de grandes entreprises internationales et des gouvernements autour de programmes d’e-gouvernement et d’identité numérique, a mis en relief plusieurs réalisations d’e-gouvernement dans le monde, comment celles-ci sont réalisées, et présenté des exemples comme l’Estonie, les Emirats Arabes Unis, le Bénin, l’Inde et le Gabon. Alain Ducass, directeur de l’économie numérique de l’ADETEF, a présenté la stratégie des bailleurs de fonds afin de fournir une aide aux pays en voie de développement, au vu de la croissance forte des besoins d’investissements et des nouveaux besoins de développement durable satisfaits par l’identité numérique : « de la déclaration des naissance, l’alphabétisation ou encore la lutte contre les discriminations et la corruption ».

Après le déjeuner, c’est au tour de l’administration française de présenter sa nouvelle stratégie pour « concevoir les services numériques autrement » par la voix de son responsable de l’architecture du système d’information Mr Guillaume Blot (SGMAP). « Nous vivons dans un monde plus ouvert, collaboratif, et lEtat doit sadapter » a-t-il déclaré avant de présenter la nouvelle stratégie de l’administration. « Etat plateforme » car il s’agit d’un mécanisme d’interconnections (un hub) qui permettra de relier les utilisateurs, les offreurs de services, et les hébergeurs de données. Tout ceci grâce aux identités numériques que les citoyens pourront utiliser pour s’identifier mais aussi s’authentifier selon le degré proportionné à chaque service. Une nouvelle approche et une révolution dans l’administration. « Nous allons jusqu’à accompagner des toutes petites entreprises « start-up » innovantes pour travailler dans lesprit de trouver une solution rapide sur les problèmes que ladministration met trop de temps à résoudre ». Sur le calendrier de la réforme et de la mise en place, 2015 sera une année cruciale, mais a-t-il reconnu, nous nous efforçons de rencontrer toutes les parties concernées pour mieux expliquer cette stratégie ». Celle-ci visant non seulement à mettre l’administration française en conformité avec les évolutions européennes mais aussi et surtout à «améliorer la qualité des services et la satisfaction des utilisateurs ».

Quel est le rapport entre « social logins » aussi appelées « identités de connection » et les « identités numériques », et comment les unes et les autres sont utilisées dans le commerce et les services ? C’était le thème du débat qui a fait vibrer encore la salle durant l’après midi. Après une présentation des statistiques les plus récentes sur les volumétries des comptes « social logins » dans le Monde, le débat était engagé.  Précisions sur les réalités, modèles de données, usages, évolution, tous les aspects ont été débattu. Philippe Sayegh, Directeur France et Europe du Sud, Janrain, a expliqué comment l’identité devient un nouveau modèle de données, permettant à de grands opérateurs mondiaux de consolider des bribes d’information éparses, afin d’avoir une meilleure connaissance des besoins des consommateurs. Augustin de Miscault, Chef de projet chez Arismore a expliqué le besoin des entreprises, de passer d’un système de gestion des identités internes, à des solutions externes pour tous les clients, même si a-t-il précisé, l’utilisation du social login reste exceptionnel et pour des informations peu sensibles. Stéphane Mouille, Directeur NFC, Gemalto, a insisté sur le rôle de convergence du mobile, lieu de mémorisation de toutes les informations  indispensables, sécurisé par la SIM pour une authentification forte et ou l’usage d’Internet est possible. Pour Min-Viet Pham, vice-président de la commission Identité numérique de l’ACSEL, un bon choix d’identité numérique doit assortir les garanties sur les données personnelles et le respect de la vie privée, tout en offrant ouverture et facilité d’usage, mais aussi une traçabilité permettant l’efficacité. Il en a indiqué quelques exemples d’application.

En fin d’après midi, le débat est ouvert sur les bénéfices en terme de développement durable et de meilleure gouvernance, d’utiliser les identités numériques. Pascale Luciani Boyer, élue locale, et membre du Conseil National du Numérique, introduit des exemples dans la vie quotidienne des collectivités locales, mais aussi dans la gestion en réseau des villes intelligentes, ou elle décrit plusieurs réalisations au Mexique et à l’International. Pierre Antoine Badoz, directeur de la conformité du groupe Orange, décrit comment le système « Orange Money » fonctionnant avec une identité numérique mobile, a permis a des dizaines de millions de personnes non bancarisées en Afrique d’accéder aux moyens de paiement et d’échange et donc à la possibilité de commercer. Des projets sont en cours sur l’éducation et la santé et la gestion administrative. Elodie Servent, DiMed, mentionne des projets entre la France et la zone de la Méditerranée, pour construire des échanges numériques porteurs de développement. Stéphanie de Labriolle, Secure Identity Alliance, a entrepris d’expliquer les conséquences bénéfiques de développement et de gouvernance sur un pays modèle : l’Estonie. Comment les citoyens ont vu leur vie grandement améliorée en pouvant tout faire en ligne : l’école des enfants, la santé, l’administration, le vote en ligne, l’immobilier et les infrastructures, et tout cela de manière sécurisée, et y compris dans le contrôle de l’utilisation de leurs données personnelles par l’administration.

Dans sa conclusion de la journée, Guy de Felcourt a insisté sur l’incroyable richesse et convergence des thématiques de cette journée sur l’essor de l’identité numérique comme moyen de transformation des usages, comme base fonctionnelle du marché numérique intérieur européen, comme nouvelle infrastructure ouverte des gouvernements avec la réalisation de l’administration britannique et les projets de l’administration française. Il est revenu aussi sur les aspects de marché pour porter les services, en soulignant les opportunités mondiales avec les transitions numériques et la floraison des logiques d’e-gouvernements.  Enfin il a souligné que la mondialisation (avec l’exemple des social logins) et les nombreux bénéfices de développement durable étaient des données importantes à intégrer dans la réflexion des entreprises et administrations.

Il a proposé pour conclure trois réflexions à « porter dans les entreprises » : l’une sur « la sécurité et la productivité », l’autre sur « compétitivité et qualité de services » et la troisième sur la « conquête de nouveaux marchés » toutes les trois rendues plus pertinentes, plus efficaces et plus faciles avec l’identité numérique.

Après cette journée riche en  enseignements et source de nombreuses rencontres, les participants ont pu continuer leurs échanges autour des sujets de l’identité numérique, autour de rafraîchissements dans une ambiance détendue.

Pour retrouver le programme et les contenus additionnels (présentations, photos…):
http://www.forumatena.org/identite-numerique-2014